Tant dans son architecture, dans ses peintures, dans sa sculpture que dans ses Ă©crits Le Corbusier recherche lâharmonie, une forme de synthĂšse des arts « Un tableau, une sculpture, une maison, un palais, une ville ne sont-ils point faits de menues matiĂšres et fils dâune mĂȘme occupation de lâesprit ? » (1948)
Ăquipement de la maison
Le Corbusier rĂ©flĂ©chit trĂšs tĂŽt Ă lâinstallation de lâhabitation et envisage lâidĂ©e dâune sociĂ©tĂ© commerciale qui vendrait tous les Ă©lĂ©ments de lâĂ©quipement de la maison. Ils seraient fabriquĂ©s en sĂ©rie, sur des mesures standards pour rĂ©pondre aux multiples besoins dâun Ă©quipement rationnel : les fenĂȘtres, les portes, les casiers standards
servant de placards et formant une partie des cloisons⊠La maison Citrohan N°2 dont la maquette fut exposĂ©e au salon dâautomne de 1922 est le premier prototype complet de la « machine Ă habiter ». Le Corbusier affirmait « il nây a pas de honte Ă avoir une maison qui soit pratique comme une machine Ă Ă©crire ».
« Le meuble est un serviteur » annonce-t-il, sept mois avant sa rencontre avec Charlotte Perriand, il avait esquissĂ© « les diffĂ©rentes maniĂšres de sâassoir auxquelles les siĂšges devaient sâadapter », il puise des idĂ©es dans la gamme des meubles Maple & co et des siĂšges Thonet, il les considĂšre comme des objets-types et sâinspire Ă©galement des meubles techniques pour malades et blessĂ©s dans son programme «machines Ă sâasseoir». Il dĂ©finit les schĂ©mas de principe. En intĂ©grant lâagence de Le Corbusier en 1927, Charlotte Perriand reprend le programme thĂ©orique «des casiers, des chaises et des tables » Ă©laborĂ© dĂšs 1924 avec Pierre Jeanneret. « Le Corbusier attendait de moi que je donne vie au mobilier ». Le Corbusier donnait la piste de recherche, puis elle assurait la rĂ©alisation des plans et lâexĂ©cution des Ă©quipements.
Le Corbusier imagine et fixe le programme avec Jeanneret, il en est lâinvestigateur, Charlotte Perriand en est incontestablement la cheville ouvriĂšre, Le programme « des chaises, des tables » est finalisĂ© Ă lâautomne 1928, les casiers dernier volet de la trilogie corbusĂ©enne sont encore Ă lâĂ©tude. Charlotte Perriand les conçoit en mĂ©tal reprenant le concept des casiers en bois crĂ©Ă©s en 1925 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret pour le pavillon de lâEsprit Nouveau. La maison Thonet Ă titre de publicitĂ©, finance la premiĂšre exposition du programme LâĂ©quipement intĂ©rieur dâune habitation sur une surface de 100m2 au Salon dâautomne en dĂ©cembre 1929. Elle fournit les casiers et se trouve associĂ©e Ă toutes les publications mentionnant les meubles⊠Câest une pĂ©riode de lutte et dâengagement. LâĂ©dition de sĂ©rie sera finalement assurĂ©e par Thonet. Les meubles sont Ă©galement conçus pour des maisons particuliĂšres, ils font partie du programme de lâarchitecture.
Au lendemain de la guerre, Le Corbusier rĂ©alise enfin sa vision de la ville verticale (1945-1952) avec lâunitĂ© dâhabitation de Marseille. Les appartements Ă double orientation est-ouest, disposĂ©s sur deux niveaux possĂšdent un sĂ©jour Ă double hauteur, lâĂ©quipement est soigneusement pensĂ© pour rationaliser lâespace. Charlotte Perriand est Ă nouveau sollicitĂ©e pour lâĂ©quipement mobilier de la cellule type (1947) et la cuisine (1947-49), elle prĂ©sente lâensemble au salon des Arts MĂ©nagers dans la section «Habitation» en 1950. Le toit- terrasse propose des Ă©quipements collectifs, jardins dâenfants, piscine.
La notion de «standards» est sans doute la plus grande innovation de Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand, parfaitement adaptés aux besoins, paradoxalement ils trouvent leur origine dans la tradition classique et la production anonyme des arts et traditions populaires.
Anne Bony, octobre 2015